Le Bouzigaud récidive : « remettez-nous ça, glaçon »

Après avoir réussi la traversée à la voile pure du Passage du Nord-Ouest, le marin de Bouzigues va récidiver : une transversale de la banquise par le pôle Nord sur une sorte de Hobie-Cat équipé de patins à glace. Rencontre.

La scène se passe au Bistro du Marché à Sète, haut lieu des apéros - sardinades, des concerts gratuits et des expos loufoques et poétiques. Bref, un lieu propice aux interviews conviviales avec des marins dont la tête n'a pas enflé sous la chaleur des spotlights.

 

Et pourtant, Anne Lise Vacher-Morazzani et Sébastien Roubinet ont passé du temps sous les projecteurs de l'actualité depuis qu'ils ont réussi leur grand exploit : la traversée à la voile pure et sans assistance du Passage du Nord-Ouest, voie mythique qui permet de relier l'océan Atlantique et l'océan Pacifique par le nord du Canada. Couvert de glace dix mois de l'année, il est navigable dans un court intervalle qui devrait s'allonger en raison du réchauffement climatique.

Du coup, ce passage devient stratégique : c'est une voie nouvelle qui s'ouvre entre les deux océans, après le cap Horn et le canal de Panama.
Sébastien, sa complice Anne-Lise et deux autres équipiers qui se sont relayés pour accompagner le Bouzigaud des glaces dans ce voyage de trois mois et 21 jours pendant l'été 2007, n'étaient pas les premiers à passer par là.

Les premiers ont été les Inuits, sans record homologué... Côté occidental, c'est Jean Cabot, alias Giovanni Caboto, alias John Cabot, navigateur et explorateur italien au service de l'Angleterre, découvreur de Terre Neuve, qui émit l'hypothèse d'un tel passage. En 1496, quatre ans après que Christophe Colomb eût découvert l'Amérique, Caboto convainc Henri VII d'Angleterre qu'il existe un moyen de rallier les Indes orientales par le nord-ouest de l'Amérique dont les contours sont encore inconnus.

John Cabot échouera à cause de querelles d'équipage mais il est probablement le premier européen à mettre le pied sur le continent Nord américain.
Il faudra attendre que Roald Amundsen y parvienne après une expédition de trois ans, de 1903 à 1906. Depuis, environ 25 voiliers équipés de moteurs ont réussi à passer.

Mais «Babouche» le bateau de Sébastien Roubinet en forme de chausse de troubadour, aura été le premier à le faire à la voile seule.

Si vous pouvez voir le film qu'ils ont tourné, cela vaut la peine. Allez sur leur site et consultez les dates des conférences qu'ils donnent.
Mais Sébastien Roubinet, pourtant né sur le sur le 43ème parallèle, a pris goût aux latitudes plus proches de zéro et aux températures du même tonneau.
Toujours par un mélange d'amour de la nature, de satisfaction d'accomplir des choses difficiles et de transmettre un message sur la sauvegarde de la planète, Sébastien est en train de se construire un nouveau bateau pour une nouvelle grande première : la «voie du nord», de Cap Barrow (Alaska) au Spitsberg en passant par le pôle Nord. Une traversée de 1.750 milles nautiques dont environ un millier sur la glace.

Contrairement à Babouche qui avait été conçu pour être capable, éventuellement, de passer sur la glace, le nouveau bateau sera avant tout un traîneau apte à la navigation sur l'eau en «marche d'approche». Equipé de patins métalliques montés sur amortisseurs pour encaisser les irrégularités de la glace, long de cinq mètres, simplifié à l'extrême, il sera constitué de deux coques rondes relevées à l'avant comme une luge et l'habitacle sera monté en travers.

L'idée de Sébastien et d'Anne-Lise, passionnée de technique, est que la meilleure arme pour résister aux conditions difficiles est la simplicité et que c'est la préparation qui doit être sophistiquée, pas le matériel.
Alors, avec Rodolphe André qui a déjà rallié le pôle avec des chiens, il dira

«remettez-nous ça, glaçon !»

Christophe Naigeon